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La sécurité avant tout ! Le filtrage des investissements directs étrangers en Belgique

Juin 2024

Imaginez…

Vous faites partie de l’équipe de direction d’un fournisseur d’accès internet belge. Votre entreprise souhaite déployer un réseau mobile de pointe en Belgique et recherche des capitaux pour y parvenir. La recherche d’investisseurs adéquats se déroule bien et un accord de principe est rapidement conclu avec un géant américain des télécommunications, qui s’engage à acquérir une participation de 32% dans la société.

Vous êtes aux anges. Comme le nouvel investisseur n’acquiert pas le contrôle, il n’est pas nécessaire de s’inquiéter d’une éventuelle obligation de notification de concentration, et rien ne semble entraver la mise en œuvre rapide de l’investissement. Cependant, vous entendez des rumeurs concernant l’existence de régimes de  "filtrage"  des investissements étrangers dans les États membres de l’UE, y compris en Belgique. L’investissement qui vous occupe ne relève quand même pas d'un tel régime? Ou alors si?

Quelques précisions.

Vous reconnaissez peut-être la situation décrite ci-dessus, que nous avons déjà abordée dans notre "In The Picture" de septembre 2022, qui concernait le règlement de l’UE sur le filtrage des investissements directs étrangers dans les États membres de l’UE. Ce règlement n’a pas mis en place un mécanisme de filtrage au niveau européen, mais a établi un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers au niveau des États membres de l’UE. Ce filtrage vise à protéger la sécurité nationale et l’ordre public au moyen d’une analyse de l’acquisition, par des investisseurs de pays non-membres de l’UE, de participations dans des entreprises stratégiques de l’UE.

Depuis un peu moins d’un an, la Belgique a mis en place un mécanisme de filtrage fondé sur le règlement de l’UE, c’est-à-dire un mécanisme de filtrage des investissements directs étrangers ("IDE"). Les principales caractéristiques de ce mécanisme de filtrage sont les suivantes.

Les investisseurs étrangers – les individus et les entreprises de pays non-membres de l’UE ou les entreprises européennes dont l’un des bénéficiaires effectifs (ou ultimate beneficial owners, “UBO”) a sa résidence principale en dehors de l’UE doivent notifier les investissements dans des entreprises belges existantes dans des secteurs stratégiques auprès du Comité de filtrage interfédéral (“CFI”). Ces secteurs sont définis de manière large et incluent la défense, l’énergie, la cybersécurité, les infrastructures critiques, les technologies de pointe et les matières premières, ainsi que les secteurs ayant accès à des informations sensibles ou à des données à caractère personnel.

L’obligation de notification s’applique lorsque les investissements étrangers mènent à l’acquisition directe ou indirecte du contrôle, ou de 25% ou 10% des droits de vote selon le secteur. Le champ d’application du mécanisme de filtrage des IDE est étendu à cet égard. Par exemple, le seuil de 25% est atteint de manière cumulative, par exemple lorsqu’un investisseur détenant déjà 20% acquiert 5% supplémentaires des droits de vote. De plus, les restructurations intra-groupes ou les extensions des droits de veto peuvent également déclencher l’obligation de notifier. Dans notre exemple du fournisseur d’accès internet, une notification par l’investisseur américain est donc obligatoire, puisqu’il s’agit d’une acquisition de plus de 25% dans le secteur des communications électroniques.

La notification et l’approbation doivent avoir lieu avant la mise en œuvre de la transaction. Il y a donc une obligation de standstill. Il est possible de notifier sur la base d’un projet d’accord, mais l’accord définitif ne peut pas différer de manière significative du projet.

À l’instar du contrôle des concentrations, une notification auprès du CFI nécessite la soumission d’informations détaillées. Trois formulaires de notification différents doivent être soumis : (i) le formulaire de notification belge, (ii) le résumé, et (iii) le formulaire de l’UE. Il n’y a pas de frais associés à la notification au CFI (pas de ‘filing fee’).

Dès que le CFI considère la notification comme complète, ce qui prend généralement un à deux jours, la procédure se déroule en une ou deux phases :

  • Phase 1 – procédure de vérification. Durant cette phase, il est examiné si l’investissement est susceptible d’entraîner des conséquences sur l’ordre public, la sécurité nationale ou les intérêts stratégiques. Si aucune indication de ce type n’est présente, l’IDE est approuvé. La procédure de vérification dure en principe 30 jours, mais peut être prolongée, par exemple en l’attente de réponses à des demandes de renseignements.
  • Phase 2 – procédure de filtrage. S’il existe des indications d’un impact sur l’ordre public, la sécurité nationale ou les intérêts stratégiques, le CFI entame une procédure de filtrage pendant une période extensible de 20 jours qui aboutit à un avis. Sur la base de cet avis, qui inclut la réaction possible des entreprises concernées à l’égard du projet d’avis, une décision est adoptée dans les 8 jours. Seules les parties concernées peuvent faire appel devant la Cour des Marchés.

Selon les données les plus récentes du CFI, seulement 3 notifications sur 46 ont été traitées en phase 2 et soumises à la procédure de filtrage.

Pendant la procédure de filtrage, les parties peuvent proposer des mesures correctives pour dissiper les préoccupations, allant de mesures “douces”, telles que des protocoles pour la gestion des informations sensibles ou la désignation d’un responsable de la conformité, à des mesures structurelles plus radicales, comme le désinvestissement de certaines parties de l’entreprise cible.

L’investisseur étranger porte l’entière responsabilité de la notification. Toutes les amendes liées au non-respect de l’obligation de notification, à la soumission d’informations incomplètes ou incorrectes pendant la procédure, ou au non-respect de l’obligation de standstill, sont exclusivement à la charge de l’investisseur étranger, même si l’erreur provient de la cible ou des vendeurs. Dans certains cas, les amendes peuvent atteindre jusqu’à 30% de la valeur de l’investissement lié aux activités belges. C’est un point important à prendre en compte lors de la rédaction des documents de transaction.

Concrètement.

  • La Belgique a introduit un mécanisme de filtrage uniforme pour les IDE qui est en vigueur depuis le 1er juillet 2023.
  • Le champ d’application du mécanisme de filtrage des investissements directs étrangers couvre un large éventail de secteurs stratégiques, y compris la défense, l’énergie, la cybersécurité, l’infrastructure vitale, les technologies essentielles et les matières premières, ainsi que les secteurs ayant accès à des informations sensibles ou à des données à caractère personnel.
  • Le mécanisme de filtrage des IDE s’applique aux investissements non européens qui entraînent l’acquisition directe ou indirecte de contrôle ou respectivement 10% ou 25% des droits de vote dans des entreprises belges existantes. Les seuils de droits de vote sont calculés de manière cumulative.
  • L’investisseur étranger est tenu à une obligation de notification. La mise en œuvre de la transaction doit être suspendue jusqu’à l’obtention de l’approbation (« obligation de standstill »). Le non-respect de ces obligations peut entraîner des amendes.
  • La procédure peut être longue et imprévisible. La procédure de vérification peut durer jusqu’à 30 jours. Si une enquête plus approfondie est nécessaire (la « procédure de filtrage »), cette période est prolongée d’au moins 28 jours. Des prolongations supplémentaires et des suspensions sont possibles et se produisent en pratique.
  • Les parties peuvent proposer des mesures correctives pour dissiper les préoccupations concernant l’investissement.

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